Quatre questions à Marie Pavlenko

08/02/2021

À l'occasion de la parution de son nouveau roman, Bientôt minuit, Marie Pavlenko répond à nos questions.

Bientôt minuit, c’est une longue histoire d’amour empêchée par la vieillesse. C’est l’histoire d’un homme et d’une femme en butte à une société qui a décidé de les rayer du monde. L’histoire de vieillards qui veulent encore se frayer un chemin dans la vie, malgré la cruauté, la lâcheté qui les entourent. C’est l’histoire de notre liberté à tous d’aimer, de rester ou de partir, une liberté si fragile.

  • D’où est venue l’idée d’écrire l’histoire de Lucien et Emma ?

Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé les vieux, le hiatus entre ce qu’ils sont, et ce qu’ils ont été. Des gens qui ont fait la guerre, des silhouettes cabossées qui font soupirer parce qu’ils quémandent une place assise, maintenant. Je m’entendais très bien avec mes grands-parents, et lorsque ma grand-mère est morte, mon grand-père m’a souvent accueillie chez lui. Il était veuf, découvrait comment utiliser sa machine à laver. Il m’a raconté des pans entiers de leur vie (et a lavé mon linge...). C’est le terreau de Bientôt minuit.

  • Le roman se déroule en huis-clos dans un EHPAD aux allures de maison de l’ogre. Que représente-t-il ?

Il est le symbole de toutes ces zones de non-droit où l’on enferme ceux que l’on ne veut pas ou plus voir. Les vieux, bien sûr, mais aussi les exilés, les pauvres... Il est cette multitude de territoires qui ne devraient pas exister, des lieux où la loi et l’humanité ont disparu, certains EHPAD (pas tous, heureusement !), les centres de rétention, les camps-bidonvilles, les banlieues abandonnées.

  • Vous êtes autrice de littérature dite young adult, genre séparé de la littérature générale en librairies. Quelle différence voyez-vous dans votre écriture, dans votre travail de romancière ?

Dans le travail et l’écriture à proprement parler, aucune. Les voix sont différentes, bien sûr, une jeune femme de 20 ans et un homme de 89 ans n’engendrent pas les mêmes images, le même rythme des phrases, le même regard sur le monde. Mais je crois qu’entre mes romans jeune adulte et Bientôt minuit il existe une résonance : chacun explore un âge de bascule, un moment charnière où le corps échappe, où l’esprit se teinte de nouvelles pensées, où l’on désire mais en a-t-on le droit... Oui, mes vieux et mes ados se ressemblent étrangement.

  • Notre société invisibilise-t-elle les vieux ?

Elle invisibilise tout ce qui n’est plus productif. La société ne devrait avoir qu’un but : valoriser le bonheur et la santé de chacun. Elle a perdu de vue l’essentiel. Son pilier, c’est l’économie, le rendement. Ceux qui n’alimentent plus ou pas assez le marché n’ont pas le droit de s’épanouir dans la cité. On les parque ailleurs, loin des centres et du mouvement. Loin de la vie.

Bientôt minuit, en librairie le 24 février.

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