Trois questions à Alexandra Lapierre

28/12/2020

À l'occasion de la parution de son nouveau roman, Belle Greene, Alexandra Lapierre vous en dit plus sur cette flamboyante collectionneuse, mondaine, érudite, drôle, aussi séduisante que fantaisiste, qui osa l’impossible : conquérir sa liberté.

  •  Comment avez-vous rencontré Belle Greene ?

En vérité, je l’ai « rencontrée » il y a près de trente ans, quand je travaillais sur Robert Louis Stevenson et son épouse Fanny dans les archives d’une fantastique bibliothèque au cœur de New York : la Morgan Library. Le souvenir de sa fondatrice, Miss Belle Greene, qui avait acquis les plus beaux manuscrits et les livres les plus rares, continuait de hanter les salles de lecture. On parlait de sa beauté, de ses mystères, de ses audaces stupéfiantes. J’ai eu envie d’en savoir plus. Et là, a commencé, des bibliothèques de New York à celles de Rome, en passant par Londres et Paris, l’une des plus formidables enquêtes de mon existence. J’ai pu retrouver les témoignages éblouis – ou perplexes – de ceux qui l’avaient connue. Et lire les centaines de lettres d’amour qu’elle avait adressées au grand historien d’art Bernard Berenson, son amant (parmi pas mal d’autres !) pendant quarante ans.

Le secret de ses origines, au pays de la ségrégation, aurait pu lui valoir un lynchage en bonne et due forme. Au mieux : un procès et la prison. Pour témoigner de son courage, j’ai tenu à raconter son histoire en m’appuyant sur tous ces documents d’archives. Respecter tous les faits en ma connaissance, tel a été mon objectif. Reconstituer au plus près de la réalité son parcours absolument extraordinaire.

 

  •  Qu’est ce qui vous touche tant chez elle ?

Son courage. Et sa liberté ! Une liberté totale. Sur tous les plans, physique, moral… Elle ne cesse jamais de choisir sa vie et de rester maîtresse de son destin. C’est vraiment quelqu’un qui ose vivre. Tout, au départ, est contre Belle. Mais elle prend l’adversité à bras-le-corps et elle lui tord le cou. Elle croit, à juste titre, que la connaissance et la transmission du savoir restent la clé pour s’élever et grandir. D’où sa passion pour le sauvetage des manuscrits et des livres anciens. Le drame, c’est que cette femme qui travaille à préserver la mémoire de l’humanité va être obligée d’éradiquer sa propre mémoire et de nier ses origines pour survivre. Mais sa passion pour la liberté reste la plus forte !

 

  •  En 1900, elle boit, elle fume, elle choisit ses amants, refuse de se marier, et réussit professionnellement ce qu’aucune femme de sa génération ne pouvait réussir… Elle est d’une modernité inouïe ?

Oui ! Sa volonté de s’accomplir elle-même, de vivre une vraie vie, une vie généreuse, est en effet si moderne que Belle semble appartenir à l’actualité. Elle incarne tous les combats d’aujourd’hui pour l’égalité des sexes et l’égalité des races. Elle est même très en avance sur nous. Un esprit libre en effet, comme il en existe peu.

Ce site utilise des cookies nécessaires à son bon fonctionnement, des cookies de mesure d’audience et des cookies de modules sociaux. Pour plus d’informations et pour en paramétrer l’utilisation, cliquez ici. En poursuivant votre navigation sans modifier vos paramètres, vous consentez à l’utilisation de cookies.

fermer