Trois questions à Alexandra Lapierre

03/01/2025

À l'occasion de la parution de son nouveau roman, L'ardente et très secrète Miles Franklin, Alexandra Lapierre nous en dit plus sur cette figure de la littérature australienne du XXe siècle.

  • Comment vous êtes-vous lancée sur la piste de Miles Franklin ?

Il y a un sujet qui me tient à coeur et que je n’ai jamais osé traiter : l’écriture. Et s’il y a un pays qui me fait rêver, c’est l’Australie. J’ai donc lu au hasard, par pure curiosité, les romanciers des Antipodes… Et je suis tombée sur un texte du début du xxe siècle qui m’a emballée. La voix d’une jeune femme de vingt ans, d’une flamme, d’une audace et d’une modernité saisissantes : Miles Franklin. Je n’en avais jamais entendu parler, et ce que j’ai découvert m’a fascinée.

  • Pourquoi ?

Parce qu’elle vient de loin dans l’espace et le temps, et qu’elle nous semble cependant incroyablement familière, à la fois en tant que femme et en tant qu’écrivaine ?
Oui ! Comme Françoise Sagan, Miles Franklin a connu la gloire avec son tout premier roman, intitulé avec une ironie totale Ma brillante carrière. C’était en 1901. Comme Françoise Sagan, la presse l’a baptisée le « charmant petit monstre » et, comme elle, cette gloire précoce l’a marquée.
Quelques années plus tard, Miles a eu le courage et le culot d’entreprendre à Sydney une enquête sur les conditions de travail des femmes les plus démunies. Elle se place comme bonne à tout faire sous un nom d’emprunt pendant un an, pour raconter de l’intérieur ce qu’elle a vu, entendu et senti dans les maisons de maître. Ce faisant, elle invente une nouvelle forme de journalisme, un siècle avant Florence Aubenas.
Trente ans après, elle fait un gigantesque pied de nez au milieu littéraire, qui la disait finie, en se réinventant sous l’apparence d’un double fictif – comme Romain Gary. Une mystification qui enchaîne les triomphes : « Émile Ajar » avant la lettre.

  • Miles a fait de l’engagement social le motif principal de sa vie, jusqu’à l’appliquer à son rapport à la création littéraire ?

Elle a toujours défendu les plus faibles, elle a même organisé à Chicago les tout premiers syndicats d’ouvrières. Mais, pour elle, Miles n’a jamais su négocier équitablement ses contrats. Le manque d’argent et de temps lui ont coûté si cher qu’elle a rêvé d’épargner aux futurs écrivains les tourments qui l’ont minée. Elle s’est donc privée afin d’utiliser les droits d’auteur que lui rapportaient ses best-sellers publiés sous un mystérieux pseudonyme… pour créer un prix littéraire qui leur permettrait, à eux, de jouir de la paix nécessaire à l’élaboration de leur oeuvre.
Ce prix, remis chaque année depuis près de soixante-dix ans, est aujourd’hui le mieux doté et le plus prestigieux du Commonwealth.
Miles Franklin est l’écrivaine par excellence, avec tous les heurs et malheurs de la création, du succès, de l’échec et de la survie.

Elle reste à ce jour la fondatrice de la littérature australienne. Et, humainement, la femme la plus magnifique que j’aie jamais rencontrée.

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